Anecdotes et témoignages
Coup de filet à Blanzaguet
(Texte rédigé à partir des témoignages d’A.C. , de C.T. et de M.G.)
C’était en 1963. Sans doute vers le 20 Juillet car, pour que les conditions soient idéales, il fallait un ciel nocturne obscur. Il avait fait très beau depuis quelques jours et il faisait encore très chaud cette nuit-là. Quatre jeunes de Blanzaguet avaient choisi cette occasion pour aller faire un tour « à la fouichine » (foëne en français). Ils avaient l’habitude. Cette pêche demandait une habileté certaine. Il fallait remonter les courants et transpercer les poissons, souvent des barbeaux, immobilisés dans le faisceau d’une lampe puissante. Avant les lampes à acétylène, on utilisait des torches de paille. Certains d’entre eux, appelés au camp militaire de Viroulou, à une dizaine de km, descendaient quelquefois pour pratiquer. Ils venaient en scooter et rentraient au camp avec des sacs pleins de poissons qui amélioraient l’ordinaire à la satisfaction de tous. Ils en gardaient quelques uns pour mettre dans les lits d’appelés restés au dortoir.De nos jours, cette technique a disparu à cause de la raréfaction des poissons, de la saleté déposée sur les galets et des aventuriers héroïques qui, en été, bivouaquent tous les 200 m. Cette fois-là, tout se présentait bien. Monsieur F. qui hébergeaient des amis estivants avait demandé aux jeunes de faire une démonstration pour ses invités. Bien sûr, c’était du braconnage mais la pratique était fréquente. Il s’agissait d’aller au bord de la Dordogne, en bas du village, un peu en amont du château de Belcastel. Un bras profond d’une cinquantaine de cm convenait parfaitement. Un îlot broussailleux le séparait du lit principal de la rivière. Ça se passerait bien: ils étaient à côté de chez eux. Et puis la rivière était parfaite et regorgeait de barbeaux. Donc, lorsque la nuit fut bien établie, tout le monde se retrouva. Les sacs en toile de jute et les fouichines étaient là. Il y avait assez de lampes à carbure. M.S. garde-pêche expérimenté savait aussi que cette nuit serait favorable à ce genre d’activité. Il avait décidé de faire une patrouille le long des radiers. Avec M. G., jeune garde qui sortait de sa formation et étrennait son pistolet de service, ils descendaient le long de la Dordogne dans leur 2-CV. Ils cherchaient des lueurs suspectes. A Blanzaguet, ils furent servis. La rivière était comme illuminée. M.S. décida du plan d’action: il resterait en aval et son jeune collègue traverserait le bras, remonterait dans l’îlot et, au signal, retraverserait pour prendre les braconniers en tenaille. Le groupe de pêcheurs qui s’était déjà fait sermonné par le directeur de la colonie de vacances installée sur la berge opposée menait grand tapage. Au signal, la surprise fut totale. Le plan du garde se déroula comme prévu. Au « Arrêtez-vous ou je tire », un seul braconnier réussit à gravir le talus et à disparaître dans les buis sans être intercepté. Les autres furent arrêtés. Monsieur F., simple observateur, fut pris la fouichine à la main. Pour ses invités et lui, l’expérience était complète. Les braconniers durent amener leurs prises (plus de 20 kg de barbeaux et un trop petit brochet) et tout leur matériel dans la 2-CV. Les procès-verbaux furent dressés. On promit aux appelés le bataillon disciplinaire. Peut-être grâce à des interventions de politiques, l’affaire n’alla pas aussi loin mais les amendes furent salées. Ce fut pour chacun, l’équivalent d’une « paye de lait » soit sans doute près de 1000 € mais il n’y eut pas de suites pénales. Les gardes revinrent souvent sur les lieux. En effet, le débutant avait, dans le feu de l’action, perdu le chargeur de son pistolet tout neuf. Malgré ses recherches, il ne le retrouva jamais. Mais tous les habitants de Blanzaguet pensèrent qu’une surveillance étroite était en cours.